vendredi 19 novembre 2010

Et vous, que voulez-vous faire avant de mourir ?



Les photographes Nicole Kenney and Ks Rives ont décidé de rendre formelle la perception de la mort au travers de polaroïds testamentaires… Les citoyens Américains et Indiens qu’elles ont rencontrés ces deux dernières années ont répondu à la question directe “What do you want to do before you die?” (« Que voulez-vous faire avant de mourir ?») en écrivant la réponse sur leur polaroïd.

Cette collection de portraits un peu jaunis (qu’on verrait bien sur la table de nuit d’Amélie Poulain) montre quelques centaines d’hommes et de femmes pris en flagrant délit de pragmatisme aigu (« devenir riche », « m’acheter un nouveau scooter », « porter tous les vêtements de mon dressing »), d’idéalisme (« mettre un terme au racisme », « sauver les pauvres ») de mysticité (« trouver Dieu », « mourir à nouveau, la première fois était tellement merveilleuse »)… Les 2/3 des sondés ont opté pour un lyrisme plus tiède : « vivre heureux entourés de ma famille et de mes amis ».
En même temps qu’elle est la quintessence de l’universel (les habitants du monde entier y sont confrontés), la mort est culturelle : la perception qu’un individu a de sa propre mort renseigne sur sa culture, sur les valeurs de son pays. Nicole Kenney et Ks Rives, qui ont respectivement étudié la sociologie et la psychologie, expliquent que les Indiens et les Américains ont un rapport très différent à la mort : les premiers sont individualistes, expriment principalement des souhaits individuels et cherchent l’originalité dans leur réponse ; les seconds, plus communautaires, se concertent avant de répondre et font des vœux collectifs.

La partie « Hospice » de l’étude “What do you want to do before you die?” a une dimension plus grave : dans un hôpital, des malades photographiés avec des tuyaux dans la bouche livrent leur dernier rêve de vie. Une série de photos dans les prisons devrait venir étoffer ce volet plus somatique sur la perception de la mort, qui aurait mérité, disons-le, un vrai support écrit.

Nicole Kenney et Ks Rives travaillent sur l’avenir du projet : dans dix ans, elles retourneront voir les personnes qu’elles ont interviewées pour vérifier si celles-ci ont accompli leur rêve. Les polaroïds pris au Japon, au Brésil, en France et en Italie devraient bientôt être mis en ligne sur un nouveau site interactif : chaque sondé pourra créer sa page, actualiser son profile. Le facebook du rêve en somme. Saluons l’ironie de ces deux chercheuses de désirs qui traitent de la mort - le sujet - par la photographie - le medium qui immortalise.

http://www.beforeidieiwantto.org/about.html

Romain Duris aux Etats-Unis : « Les rôles de French Lover ne m’intéressent pas »

A 36 ans, Romain Duris fait l’objet d’une rétrospective au prestigieux BAM de New York. Les contrastés « Chacun cherche son chat », « Le péril jeune » et « De battre mon cœur s’est arrêté », y seront diffusés fin août-début septembre. Nous avons rencontré Romain Duris à l’occasion de l’avant-première new-yorkaise de l’Arnacoeur, qui sortira en salle aux Etats-Unis le mois prochain. Naturel et facétieux, le self-made actor nous a livré ses craintes et ses rêves… américains.

Quelle difficulté vous a posé le rôle d’Alex dans l’« Arnacœur » ?

Romain Duris : Pascal Chaumeil a eu l’intelligence de se servir des tempéraments des acteurs pour faire vivre chaque moment de son film. Nous avons donc tâché de donner corps aux personnages. J’ai cherché à casser le côté formaté de cette comédie. Nous ne voulions pas d’une comédie calibrée, écrite pour faire rire.

Les comédies romantiques américaines sont souvent grandiloquentes. Ne craignez-vous pas que « Heartbreaker » made in USA soit excessif ?

Romain Duris : Un des auteurs du scénario, Jeremy Doner, est américain. Donc un remake de « L’Arnacœur » par les américains, dans ces conditions, est un simple retour à l’envoyeur ! Je ne sais pas si le film sera moins fin dans sa version américaine. Le film de Pascal Chaumeil, s’il n’est pas parfait, a un vrai charme, une perception. Il a été tourné sur le vif : c’est le film d’un moment. Vouloir recréer une fraîcheur, une humeur, est particulièrement difficile. Faudra-t-il que la reconstitution soit fidèle aux petites erreurs de l’original pour conserver la même fébrilité, la même spontanéité ? Je suis pressé de voir ce que cela va donner. Mais je ne me fais pas trop de soucis quand même. Les américains sont doués et capables de tout. Le sens du rythme, l’efficacité du thriller, sont leur fort. La seule restriction que je peux émettre à l’idée d’un remake, même si ce projet ne m’implique pas directement, concerne le temps. Peut-être est-il un peu tôt pour se lancer dans un remake. J’aime voir des réadaptations quelques années après la sortie de l’original, pour laisser au film de temps de murir, d’être digéré.

Etes-vous déjà sollicité par des producteurs américains ?

Romain Duris : Oui, mais jusqu’à présent, rien ne m’a convaincu. Je regrette qu’on ne me propose que des rôles de French Lovers qui ne m’intéressent pas. Ce que j’aime dans un personnage, c’est sentir, à partir du scripte, qu’il peut évoluer. Sentir qu’il reste un peu à créer, que je vais pouvoir mêler à la personnalité du personnage un bout de ma personnalité.

Si vous pouviez tourner avec un réalisateur américain, lequel choisiriez-vous ?

Romain Duris : Il y en a tant… Si je suis mes rêves, je dirais les frères Cohen, James Gray et Martin Scorsese. C’est vrai, après tout, on peut rêver.

Quelle est la comédie sentimentale américaine qui vous a influencé ?

Romain Duris : « La vie est belle » de Franck Capra, sans hésiter.
Qui sont vos mentors dans la profession ? Qui vous a appris votre métier ?

Romain Duris : Dans l’ordre : Klapisch, Audiard, Honoré et Chéreau. J’ai beaucoup de chance, j’ai tourné avec des réalisateurs qui m’ont tous allumé !

Quelle est votre actualité ?

Romain Duris : En ce moment, je répète au théâtre la pièce de Koltès, mise en scène par Patrice Chéreau, « La nuit juste avant les forêts ». L’année prochaine je tournerai dans le nouveau film de Pascal Chaumeil « Vivre, c’est mieux que mourir ».

La municipalité de Brooklyn attaquée en justice par deux synagogues

Cet été, le maire du quartier de Brooklyn, Marty Markowitz, aura sué plus que ses confrères new-yorkais. Son projet de création d’un amphithéâtre à Coney Island, dans le cadre des concerts gratuits de l’Asser Levy Park, fait l’objet d’une polémique politico-religieuse. Deux synagogues ont porté plainte contre la municipalité fin juin pour enfreinte à la Loi contre le bruit. Les plaignants entendent ainsi faire annuler les concerts en plein air et le projet de création d’amphithéâtre.

Crescendo de voix

Les concerts gratuits de l’éclectique festival Seaside Summer, organisé sous l’impulsion de Marty Markowitz depuis dix neuf ans, réunissent plus de 10 000 aficionados par an. Ce festival familial, situé dans L’Asser Levy Park, fait le bonheur des amateurs de pop, rock et salsa. Mais la communauté juive de Brooklyn-sud ne l’entend pas ainsi : les festivités perturbent son shabbat et l’exercice de ses services religieux. Si l’hostilité de la communauté à l’égard des concerts était constante ces dernières années, l’annonce faite au mois de mai de la construction d’un amphithéâtre capable d’accueillir 8 000 personnes dans l’Asser Levy Park, a fait l’effet d’un détonateur.

Cent cinquante manifestants réclamant l’annulation du projet se sont réunis à Coney Island le 16 mai. Une pétition contre la construction de l’amphithéâtre a circulé dès le mois de juin. En juillet, l’affaire a pris une tournure judiciaire : le défenseur des droits civiques Norman Siegel a porté plainte au nom des synagogues Temple Beth Abraham et Sea Breeze Jewish Center contre la municipalité de Brooklyn. Les deux fautes invoquées concernent le dépassement de la limite des décibels autorisés depuis la création du festival (15 décibels au lieu de 10) et le non respect de la distance minimale entre les concerts et les lieux de culte (106 mètres au lieu des 152 autorisés). La plainte de Siegel fait donc valoir l’illégalité des concerts organisés par le Marty Markowitz depuis 19 ans ! Le concert latino du 26 août s’est joué en sourdine, en attendant la décision de justice.

Marty Markowitz, qui affichait une humeur détachée devant la presse au début de l’été : « sommes-nous tous devenus puritains ? », voire provocatrice « les membres de la synagogue ne sont pas des avocats ! », refuse de s’exprimer depuis.

Les sirènes du pouvoir

Beaucoup de bruit pour rien ? Pas forcément. La querelle autour des concerts de Coney Island révèle des problèmes de vie sociale et politique aux enjeux profonds.
Il n’y aurait certainement pas eu de telles cacophonies si Michael Bloomberg n’avait pas modifié la loi contre le bruit pour secourir son ami Marty Markowitz. Quand Markowitz s’est tourné vers le maire de New-York le 25 juin, après les premières plaintes contre les concerts, Bloomberg a fait le choix de retirer temporairement la clause sur les 152 mètres de la loi contre le bruit. Cette décision a aussitôt été dénoncée comme un geste de favoritisme politique et d’abus de pouvoir. Or, Bloomberg avait fait savoir dès sa réélection en 2005, qu’il entendait se rapprocher de la communauté juive. L’été 2009 lui avait d’ailleurs donné l’occasion d’honorer sa promesse : il avait validé le retrait réclamé par la communauté juive de Williamsburg de la piste cyclable de Bedford Avenue. Selon les associations de défense de l’environnement rattachées à la mairie, l’argument sécuritaire du lobby juif dissimulait en réalité une prise de position morale contre le passage de femmes dénudées en vélo. L’été 2010 risque bien d’effacer la faveur de 2009.
Aucun des médias ayant couvert l’affaire n’a mentionné la question sous-jacente de la séparation des pouvoirs publics et de l’Eglise, question dont les Français se seraient immanquablement emparés. Les lobbys religieux peuvent-ils décider de l’aménagement urbain et de la politique culturelle d’une ville ? Seuls quelques internautes ont enfilé le bonnet républicain : « Et la séparation de l’Etat et de l’Eglise dans tout ça ? » s’exclame Steve sur thebrooklynpaper.com. « Les sirènes stridentes des synagogues retentissent violemment tous les vendredis après-midi, et je n’entame pas un procès ! », rajoute Tom. Le Brooklyn Paper, qui a publié 7 papiers en 3 mois sur cette affaire, est accusé par le Gothamist de prendre partie pour la communauté juive. Dans un article sur la controverse entre la communauté juive et Marty Markowitz, le New York Times titrait le 15 juillet : « Bringing Fun to Brooklyn! ».