Le discours d’un roi est un film très bien écrit, excellemment interprété, dont le thème original couillu est parfaitement assumé (la petite histoire du bégaiement dans la grande Histoire du début de la seconde guerre mondiale). Nous saluons cette réflexion subtile sur fond de fiction fantaisiste sur le pouvoir des mots. Seulement, voilà, il se trouve qu’un intrus est venu tirer les ficelles de la mise en scène. Et cet intrus - la caméra - décide de beaucoup.
L’œil qui filme les affres linguistiques du roi George VI est omniscient. Il est complice des personnages, imprégné de leur sentimentalité. La caméra de Tom Hooper est le narrateur bavard de cette histoire très symbolique et prédictible.
Quand le roi subit son frère, son père, sa mère, trop prompts à se railler de son handicap, la caméra est plongeante. Elle indique ainsi, assez lourdement, que le ressenti du roi est d’abord l’écrasement. Au fur et à mesure que sa majesté s’émancipe et gagne en confiance, la caméra se redresse, devient frontale, et finit par filmer en contre-plongée le discours final expiatoire. Ce mouvement vertical de prise de vue qui sert la subjectivité est très utilisé aux Etats-Unis. Il permet l’identification au personnage, un des ressorts favoris du cinéma américain.
Le discours du roi, en décidant d’avoir une caméra subjective, s’expose encore plus au risque de manichéisme déjà propre aux films en costumes focalisés sur un héro. Seul le fantaisisme aurait pu éviter ce manichéisme visuel (comme le fantaisisme des frères Cohen), mais la fantaisie du Discours d’un roi est trop timide (trop anglaise ?).
En ce qui concerne la subjectivité de la caméra, la question mérite d’être posée : quel est l’intérêt de tenter le spectateur de s’identifier à un roi bègue ? Est-il possible de laisser aller son empathie jusqu’au point de se prendre pour le père de l’actuelle reine Elisabeth ? La royauté n’est-elle pas justement appréciée (quand elle l’est) parce qu’elle force la distanciation ?
Autre exemple de parti-pris de la caméra : pour souligner la raideur de la royauté, les scènes en famille sont filmées en grand angle. L’image, statique, confère un sentiment d’austérité. Encore une fois, la caméra raconte une histoire que l’on connaît déjà.
Beaucoup de spectateurs ont déploré la prédictibilité du film. S’ils n’avaient pas été pris par la main par une caméra pédagogue, la visualisation du Discours d’un roi aurait certainement été plus épatante.
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