Votre arrivée en poste s’est faite sous de bons auspices, les relations franco-américaines étant, depuis 2007, meilleures. Comment se matérialise cette amélioration ?
Pierre Vimont : Le discours de Nicolas Sarkozy devant le Congrès des Etats-Unis en novembre 2007 invitait à « renouveler ce pacte d’amitié et d’alliance scellé à Yorktown entre Washington et Lafayette ». Cette déclaration a donné un nouvel élan aux relations franco-américaines. La France s’est montrée dès lors plus déterminée dans son rapport avec les Etats-Unis, notamment à travers le dossier de la rénovation de ses relations avec l’OTAN. Depuis son élection, il y a neuf mois, Barack Obama est venu deux fois en France : lors de sa tournée européenne en avril 2009 et pour la commémoration du débarquement en juin, ce qui est un record sur une si courte période. Délégations croisées et échanges téléphoniques quotidiens : le dialogue franco-américain s’est intensifié depuis le couple Sarkozy-Obama. Les expériences françaises intéressent. Les Français établis aux Etats-Unis sont également plus enclins à participer à la vie politique et économique américaine, comme si leur intégration était plus profonde aujourd’hui.
En quoi l’administration Obama se différencie-t-elle de la précédente dans le rapport qu’elle entretient avec les représentants français ?
P. V. : L’administration Obama fait la promotion de la tolérance. George Bush n’aurait certainement pas fait le discours du Caire, sur l’invitation au respect mutuel des Etats-Unis et des pays musulmans. Le souci d’équité social est aussi une préoccupation manifeste de la nouvelle administration. La démarche de réformer le système de santé américain nous parait juste et nous la défendons. La ligne de conduite de l’administration Obama est en phase avec la politique étrangère de la France. En tant que représentants de cette politique, nous bénéficions d’une meilleure écoute.
Quels sont les dossiers de relations internationales brûlants que vous traitez à Washington ?
P. V. : Les dossiers de l’Afghanistan, de l’Iran et du Liban sont très importants. Les positions françaises et américaines sont très proches. Les questions de fond à venir portent notamment sur le changement climatique, la révision du Traité de non prolifération et l’avenir de l’OTAN. A nouveau, les positions françaises et américaines convergent. Les américains sont très demandeurs des idées françaises concernant l’avenir de l’OTAN. Nous sommes également tournés vers notre présidence du G20 en 2010.
Et sur le plan transatlantique, quels dossiers vous semblent stratégiques ?
P. V. : Nous suivons attentivement le calendrier électoral américain. Chaque élection ici peut avoir des conséquences importantes en matière de relations internationales. Parmi les dossiers à dimension stratégique pour les entrepreneurs français, retenons les ambitions américaines de réforme du secteur des transports. Dans le domaine du train à grande vitesse, les Etats de la Californie, du Minnesota, de la Floride et du Texas, devraient faire appel à des constructeurs. La France a une grande expertise dans ce domaine, ainsi que dans celui de la refonte des utilities, annoncée aux Etats-Unis. Enfin, nous appuyons l’offre d’EADS sur l’important marché des avions ravitailleurs. Nous suivons de près les progrès d’EDF et d’Areva, concurrencés par les Sud-Coréens et les Japonais, dans le dossier du nucléaire américain.
Les américains sont-il prêts à parier sur le nucléaire ?
P. V. : Le dossier nucléaire est un sujet sensible. Les Etats-Unis semblent prêts à faire le choix du nucléaire, mais de fortes résistances régionales freinent encore cette évolution. Les Californiens sont assez réservés vis-à-vis du nucléaire. Barack Obama est resté prudent dans ses discours, mais plusieurs parlementaires comme John McCain ou Lisa Murkowski défendent le réaménagement des centrales. Les désaccords se concentrent sur les questions gestion du stockage et des déchets. Si un certain clivage entre Démocrates et Républicains se dessine, tous s’entendent sur l’urgence de réduire drastiquement l’utilisation du charbon comme ressource énergétique.
Quels conseils donneriez-vous aux français désireux de s’implanter aux Etats-Unis ?
P. V. : A Rome, fais comme les Romains. Pour réussir aux Etats-Unis, il faut s’américaniser. Les filiales françaises établies ici doivent passer pour des groupes américains. Les américains sont un peu chauvins dans leur consommation. Mon deuxième conseil serait de comprendre le fonctionnement fédéral de ce pays. Les lois sont très différentes d’un Etat à l’autre. Connaître les lois de l’Etat d’implantation est absolument indispensable pour un entrepreneur. A moins qu’il n’ait un avocat de confiance. Aux Etats-Unis, les hommes de loi sont les maîtres du monde. Enfin, puisque l’initiative privée est toujours privilégiée, je conseillerais de savoir saisir les bonnes opportunités et d’être flexible.
La culture américaine est parfois dénoncée en France comme violente, notamment pour ce qui est du droit social. Etes-vous d’accord avec ce constat ?
P. V. : C’est un constat qui trouve ses racines dans l’histoire des Etats-Unis. Les ancêtres américains, les Pilgrims, symbolisent la force dans l’adversité, dont les américains ont hérité. Cette force peut se traduire parfois par une certaine rudesse dans les rapports humains. Mais elle est aussi synonyme d’endurance. Notre ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, a récemment rendu visite à des agriculteurs américains et a constaté leur résilience et leur capacité de renouvellement face à la crise. Beaucoup d’entre eux s’en sortent, sans aide de l’Etat, en ayant recours à des solutions imaginatives et en se diversifiant.
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