C’est un Tarantino en forme qui s’installe dans l’Europe de la seconde guerre mondiale pour y dérouler, sur fond d’holocauste, une chasse à l’homme triviale. Un groupe de soldats juifs spécialisés dans les actions brutales, « The Basterds », est envoyé en Europe pour effrayer les dirigeants du Troisième Reich. Ils sont accompagnés lors d’une mission en France par l’actrice allemande et agent double Bridget von Hammersmark (Diane Kruger)…Le film possède autant de maestria que les précédents et il est définitivement plus piquant.
Le casting hexagonal aurait dû nous emplir de fierté, mais la touche française est décevante. Mélanie Laurent est lisse, difficilement crédible dans la peau de la vengeresse-diablesse tarantinesque. Rassurons-là, il semble que le premier rôle offert aux françaises dans les grosses productions hollywoodiennes soit toujours un mauvais baptême (cf Cotillard dans Big Fish). Coté allemand, Diane Kruger, enfin fatale, libérée de ses rôles de pleureuse, incarne une actrice langoureuse convertie à l’espionnage. La métamorphose du tendre enfant de Goodbye Lenine, Daniel Bruhl, en héros de guerre opportuniste est réussie. Son personnage à la fois suppliant et menaçant colle aux paradoxes comportementaux chers à Tarantino. Brad Pitt tient la route, un peu figé dans sa grimace butée à la Snatch. Sa scène de l’escorte italienne est désopilante, à la fois minimaliste dans la gestuelle et caricaturale par essence. Dommage que les dialogues absurdes sentent le resservi (ça doit grincer des dents chez les Cohen). Mais il est impossible pour ces grands noms de rivaliser face au jubilatoire colonel nazi Hans Landa, magnifiquement interprété par Christophe Waltz. Son « Jew hunter » rythme le film, donne le ton. Ironiquement, Landa inspire, malgré la sophistication de ses manières, le sentiment attaché à ce qu’il dit pourchasser - le rat.
C’est donc sur des contradictions que Tarantino s’appuie pour brouiller les sentiments du spectateur. Et jusque dans l’esthétique : l'apesanteur autour de la nourriture, de la crème, du lait, de ces aliments chauds et rassurants, jure avec la réminiscence des bouillies crâniennes. Tarantino nous (re)dit, que le dégoût et l'appétit ne sont que de vulgaires perceptions. Le vrai génie d’Inglorious Basterds réside dans le mariage entre l'humanité de ses personnages (rendue à travers l'émotion dans les regards, la gestuelle - féline et théâtrale comme chez Almodovar) et l'absence totale de compassion pour leur sort : la caméra abandonne les protagonistes principaux sur le sol, morts, les uns après les autres. C'est comme si Tarantino s'obstinait à nous les rendre attachants, pour mieux s’amuser à les dégommer.
Autre parti-pris réussi : il n'y a aucune hiérarchie des personnages. Les premiers rôles n’ont pas une psychologie plus fouillée que les seconds, comme trop souvent dans le cinéma français aujourd’hui. C'est par le traitement égal des figures de son film que Tarantino resserre le scénario : la petite histoire (comme la grande) n'est qu'un prétexte à observer la chute d'un groupe, bloc soudé aux reliefs variés.
A part le petit bémol d’un casting français mou, il est possible de regretter une légère surenchère dans les genres cinématographiques : les éternels arrêts sur image et présentations manga, clins d’œil aux aficionados, sont trop épars et donc intrus. Le film reste brillant. Le public américain - new-yorkais - s’est montré particulièrement réceptif, convulsé par le rire pendant les scènes de scalp. Qui a dit que la violence était une catharsis ?
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