mardi 13 avril 2010

Le Bel Age, pour lancer sa carrière

Présenté en compétition au Festival de Locarno et au Rendez-vous with French Cinema de New-York en mars 2010, Le Bel Age a offert une nomination aux Césars à la jeune Pauline Etienne. Premier long métrage de Laurent Perreau, le film confronte deux générations d’acteurs : l’inaltérable Michel Piccoli et les très naturels Pauline Etienne et Clément Roussier.

Pourquoi avoir choisi le thème de l’adolescence, terrain aux stéréotypes ?

Laurent Perreau :
Je n’ai pas formulé le choix arrêté du thème de l’adolescence. Je me suis avant tout intéressé à la confrontation d’un personnage vierge, animal et impulsif au monde qui l’entoure. Claire n’a pas de personnalité, elle cherche à se définir. Ceux qui se penchent sur son berceau, comme son grand-père - interprété par Michel Piccoli -, lui donnent corps. Claire me fait penser à un petit soldat qui essaye de tracer une ligne droite. La même ligne que dessine sa nage, dans les scènes de natation. Si je me suis intéressé aux problématiques de l’adolescence, c’est dans leur dimension physique plus que métaphysique.

Il y a peu de dialogues dans votre film. L’incommunicabilité sert-elle de trame de fond ?

L. P. : Claire et son grand-père, Maurice, expérimentent l’apprentissage de l’autre. L’amour est un sentiment qui s’apprend, qui se domine. Or Claire, au début du film, ne maitrise pas ses sentiments. Elle va y parvenir peu à peu, entrer en contact avec son aïeul, découvrir que lui non plus n’a pas su maitriser ses sentiments de jeunesse – c’est l’objet de la confession de la scène de fin. J’ai filmé le rapprochement de deux solitudes, plus que l’incommunicabilité des êtres.

On reproche souvent au premier film leur densité. Comment vous êtes-vous préservé de cette surcharge ?

L. P. : Je n’ai pas fait un film à messages, mais un film d’impressions. J’ai insisté sur l’aspect sensoriel des choses, en suggérant le ressenti. Le cinéma contemporain pêche, selon moi, par excès de psychologisation, par bavardage. Toutes les causes des attitudes des personnages sont expliquées au spectateur. Donner trop de sens aux événements, c’est finalement faire preuve d’une grande naïveté. Je voulais un film un peu brut.

La grande qualité du film est en effet la sensualité des plans. Quelle technique permet un tel rendu ?

L. P. : Avec Céline Bozon, directrice de la photographie, nous nous sommes entendus sur un principe de départ : les personnages de Claire et de Maurice seraient filmés avec des pellicules différentes. Pour Maurice, la pellicule, saturée et tirant un peu vers le noir et blanc, amplifiait le romanesque. La pellicule utilisée pour Claire était plus colorée. L’effet caméra sur l’épaule soulignait l’inconfort de Claire, alors que la manière de filmer Maurice était plus posée, plus construite et relayait l’attitude contemplative du vieil homme. Ces ruptures techniques ont généré une certaine sensualité.

Comment dirigez-vous vos acteurs pour qu’ils soient aussi naturels ?

L. P. : Nous avons auditionné beaucoup d’actrices françaises pour le rôle de Claire. Je ne voulais pas d’une actrice qui minaude, abimée par le cinéma. Quand j’ai vu Pauline, j’ai immédiatement su qu’elle avait la trempe d’une Claire. Dans la salle de casting, Pauline était debout, au fond, appuyée à une colonne. Je l’ai trouvé butée dans sa gestuelle, juste ce qu’il fallait pour le rôle. Clément aussi est un acteur naturaliste, par opposition au tragédien qu’est Michel Piccoli. Sans doute, le calque entre le tempérament des acteurs et celui des personnages de mon film, a facilité la justesse du jeu. Pauline est timide et déterminée, Clément est romantique et Michel Piccoli est à la fois secret et extravagant…

Etes-vous d’accord avec le parallèle qu’observe Laurent sur votre caractère et celui de Thomas ?

Clément Roussier :
Oui, il y a certainement une matière commune. Mes proches ont noté des similitudes entre les aspirations de Thomas et les miennes (l’écriture, les voyages). Mais mon petit frère ne m’a pas reconnu dans la peau de Thomas - le débit de paroles et la façon de marcher notamment -, ce qui m’a rassuré quant à ma composition. Je ne suis pas venu devant la caméra en pensant être moi. Pour mon premier film, j’incarne un jeune homme aérien, un peu rêveur. Très franchement, je ne m’attendais pas à la proposition d’un rôle de boxeur ! Le personnage de Thomas m’a plu justement parce que son romantisme est atténué, pas grandiloquent. Laurent a fait du désir d’ailleurs de Thomas une quête maitrisée. Son imaginaire se mêle à une forme de pragmatisme : il sait ce qu’il veut.

Et après Le Bel Age, que faut-il vous souhaiter à tous les deux ?

Laurent Perreau : Un Oscar ? (Rires). De faire de bons films, évidemment. Et en moins de trois ans : c’est le temps qu’il m’a fallu pour mener à bien Le Bel Age ! J’écris un nouveau scénario en ce moment.

Clément Roussier : De prolonger le plaisir de jouer pour des cinéastes que j’admire. En tant qu’acteur, on existe simplement à travers le désir des autres. J’espère arriver à nourrir ce désir. Je viens de tourner dans le film L’appel du 18 juin, aux cotés de Michel Vuillermoz, que je respecte beaucoup.

New York, ca vous évoque quoi ?

Laurent Perreau : Un roman : « L’Attrape-Cœurs ».

Clément Roussier : Une question : où s’en vont les canards quand les lacs sont gelés ?

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